Si le grain ne meurt by Gide André

Si le grain ne meurt by Gide André

Auteur:Gide, André [Gide, André]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française, Autobiographie
Éditeur: Bibliothèque d'Onega - lien privé -
Publié: 1924-10-14T23:00:00+00:00


En décrivant notre appartement, j’ai réservé la bibliothèque. C’est que, depuis la mort de mon père, ma mère ne m’y laissait plus pénétrer. La pièce restait fermée à clef ; et, bien que située à une extrémité de l’appartement, il me semblait qu’elle en faisait le centre ; mes pensées, mes ambitions, mes désirs gravitaient autour. C’était, dans l’esprit de ma mère, une sorte de sanctuaire où respirait le cher souvenir du défunt ; sans doute, elle eût trouvé malséant que je prisse trop vite sa place ; je crois aussi qu’elle balayait de son mieux tout ce qui, à mes propres yeux, pouvait souffler mon importance ; enfin, dirai-je qu’il ne lui paraissait pas prudent de mettre à la disposition de mon avidité tous ces livres qui n’étaient rien moins que des livres d’enfant. À l’approche de ma seizième année pourtant, Albert commença d’intercéder en ma faveur ; je surpris quelques bribes de discussion ; maman s’écriait :

« Il va mettre la bibliothèque au pillage. »

Albert arguait doucement que le goût que j’avais pour la lecture méritait d’être encouragé.

« Il a bien assez à faire avec les livres du couloir et avec ceux de sa chambre. Attendons qu’il les ait tous lus, ripostait ma mère.

– Ne craignez-vous pas de prêter à ceux du cabinet un attrait de fruit défendu ? »

Ma mère protestait que « à ce compte-là on ne devrait jamais rien défendre ». Elle se débattit ainsi quelque temps, puis finit par céder, comme elle faisait presque toujours lorsque c’était Albert qui lui tenait tête, parce qu’elle avait pour lui beaucoup d’affection, beaucoup d’estime, et parce que le bon sens, avec elle, finissait toujours par triompher.

À dire vrai, non, l’interdiction n’ajoutait rien à l’attrait de cette pièce ; ou qu’un peu de mystère en sus. Je ne suis pas de ces tempéraments qui d’abord s’insurgent ; au contraire il m’a toujours plu d’obéir, de me plier aux règles, de céder, et, de plus, j’avais une particulière horreur pour ce que l’on fait en cachette ; s’il m’est arrivé par la suite et trop souvent, hélas ! de devoir dissimuler, je n’ai jamais accepté cette feinte que comme une protection provisoire comportant le constant espoir et même la résolution d’amener bientôt tout au grand jour. Et n’est-ce pas pourquoi j’écris aujourd’hui ces mémoires ?… Pour en revenir à mes lectures de naguère, je puis dire que je n’ai pas souvenir d’une seule, faite dans le dos de ma mère ; je mettais mon honneur à ne pas la tromper. Qu’avaient donc de si particulier les livres de la bibliothèque ? Ils avaient d’abord pour eux leur bel aspect. Puis, tandis que dans ma chambre et dans le couloir abondaient presque uniquement les livres d’histoire, d’exégèse ou de critique, dans le cabinet de mon père je découvrais les auteurs mêmes dont ces livres de critique parlaient.

À peu près convaincue par Albert, ma mère ne céda pourtant pas tout d’un coup ; elle composa. Il fut admis que j’entrerais dans



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